VersLeHaut vous présente sa nouvelle note : “Au tableau”.  A travers une note courte, il s’agit de mettre en débat un point de vue et une proposition portés par une personnalité qualifiée ou un acteur éducatif…

Cette semaine, une proposition de Maxime Rovère, philosophe, traducteur français et écrivain.

Comment enseigner par le corps ?

L’enseignement des disciplines non manuelles au collège et au lycée se fonde, au moins depuis le XIXe siècle, sur une approche assez pauvre du corps : on considère classiquement que c’est plutôt en faisant taire le corps des élèves, en les tenant assis, immobiles et silencieux, que l’on peut orienter leur attention vers des objets considérés comme purement intellectuels. Au crédit de cette conception, on doit reconnaître que les documents, les textes, les images, les équations, etc., comportent une dimension matérielle qui ne semble pas mobiliser les forces du corps autrement que par la vue et par l’ouïe. L’acquisition des savoirs serait donc à ce prix : il faudrait laisser de côté le corps – ses besoins, ses élans, ses fougues, ses paresses – pour concentrer l’attention des élèves sur certains objets et leur permettre d’acquérir les formes intellectuelles de savoir dispensées par l’institution.

Cette conception peut être abandonnée d’autant plus facilement qu’elle repose sur un dualisme entre le corps et l’esprit qui, sans que soient nécessaires de grandes élaborations métaphysiques, ne correspond tout simplement pas aux pratiques réelles de l’enseignement et de l’apprentissage.

L’idée qu’il faut toujours commencer par une approche théorique avant de passer à la pratique – apprendre pour faire – est de plus en plus remise en cause. On admet qu’il est parfois plus efficace de « faire pour apprendre ».

Le fait de remettre en cause ce modèle intellectualiste – en réalité contre-productif – ne vise d’ailleurs pas à élaborer des manières utopiques d’enseigner, mais à accentuer une mise à jour des pratiques qui a en partie commencé.