« Ceci n’est pas une pipe » – René Magritte

Cette œuvre interroge le spectateur. Il voit une pipe dessinée, et en même temps il lui est signifié que ça n’est pas ce qu’il voit ! De fait ce qu’il voit ce n’est que la représentation d’une pipe. Ça n’est pas une réalité dans le sens ou nous ne pouvons prendre l’objet dans notre main, le sentir, l’éprouver. Ce qui est réel c’est le tableau.

Je me trouve exactement dans cette réflexion, à chaque fois que m’est posée la question cours en « présentiel » ou en « distanciel » ?
Quand je répond présentiel, c’est ensemble, à l’institut, avec bien sûr toutes les protections nécessaires de rigueur.
II me faut expliquer qu’aujourd’hui cette acceptation du mot présentiel n’exclut pas la distance ! (nous avons même un nouveau vocabulaire élaboré : « présentiel tutoré synchrone, asynchrone …) Être présent de loin, avec des formateurs éventuellement absents. Ce qui me semble, quand même, un paradoxe.

« Toute vie véritable est rencontre » – Martin Buber.

La formation ISH implique un rapport au présent de la rencontre, celle de la pensée bien sûr, mais aussi celle de l’incarnation de cette pensée. C’est ce qui attend les sophrologues professionnels (qui parlent beaucoup du corps). Depuis quelques mois, masqués et sans contacts, nous ne pouvons plus éprouver la chaleur d’une poignée de main, l’énergie d’une franche accolade, et nous rions derrière un bout de tissu.
Mais nous nous rencontrons encore. La rencontre incarnée est possible.
C’est aussi la possibilité, dans le groupe de formation, de ne pas laisser notre humanité se confiner, d’être encore présent l’un à l’autre dans un regard échangé, un sourire ou un silence. Je l’accorde c’est une proximité distante (des consignes sont données). Mais la formation au métier d’accompagnement n’est pas que l’acquisition de connaissances. C’est aussi les partages dans les temps de pauses, non seulement des ressentis, mais des moments quotidiens de ce qui fait le sel de notre vie. Des moments de vie.

Je ne crois pas que des écrans comblent les aspirations à Être ensemble, base de l’accompagnement sophrologique. Pour revenir à la pipe de Magritte, être dans cet éprouvé d’être ensemble, de se rencontrer, parfois de se confronter, cette « matière » qui fait la pédagogie de l’ISH, je ne crois pas qu’elle soit possible par écrans interposés.

Non je ne propose pas une formation en « distanciel », même (si je n’exclue pas une exception de temps autre).

PS : En sortant de chez moi ce matin, il était là, envers et contre tous. Cet habitué avec son piano mécanique et son masque. Le morceau aigrelet, dans le soleil froid, prenait des airs de concert. Une bouffée de chaleur, un merci, une rencontre brève. Merci.


Jacqueline BAUDET - Directrice ISHJacqueline