Nous ne savons plus féconder l’ennui *
Première News de l’année, et il m’est impossible de ne pas évoquer ce qui se passe pour nous en ce moment. Et le « nous » est à l’échelle mondiale !
Le réchauffement climatique, la faim dans le monde, les réfugiés et la précarité grandissante étaient, jusqu’ici, des défis à relever.
Et voilà ce microscopique être, inconnu encore il y a peu, qui, quelques soient notre nationalité, notre religion, notre régime politique, nos croyances et nos valeurs, peut nous « attraper » (parce que ça n’est pas nous qui l’attrapons !), sans distinction d’âge, de sexe, de couleur de peau.
Tout ce que nous croyons maîtriser, que nous considérions comme acquis est profondément remis en question, notre monde est mis en question.
Nous avons entendu que nous étions en guerre. En une semaine nous avons reçu l’ordre de ne plus nous déplacer, de ne plus nous rencontrer, ne plus nous toucher ni nous prendre dans les bras, de nous isoler, de garder nos distances. Et ce signe même de notre humanité, le rite funéraire, n’est plus possible. Pour ceux qui sont le plus fragile ces consignes sont synonymes d’isolement. Pour tous des sentiments et des émotions parfois difficiles à contenir vont se nommer en termes de stress, parfois en termes de trauma. Pour ceux qui ont cessé le travail la « vacance » peut être signe d’ennui, hors de notre rythme habituel.
Reclus, avec nos proches (quand on ne vit pas seul) et le téléphone et internet pour communiquer vers l’extérieur, nous, notre famille, nos amis, nos collègues, mesurons notre besoin de contact.
Bien sûr qu’il faut nous protéger, exercer notre responsabilité vis à vis de nous-même, et vis à vis de l’autre.
Quantité de propositions, sophrologie, hypnose, méditation, d’autres encore, et je loue la bonne volonté de ces praticiens, sont depuis le début de la pandémie, en ligne pour accompagner ces moments.
Cependant, la question est : qu’accompagne-t-on ? Comment sont pris en compte ces sentiments et ces émotions dans cet accompagnement ? Ils parlent de l’essentiel, notre survie, l’impuissance, le vide et aussi de notre manière d’être au monde.
Où mettons-nous cette survie ? Comment sommes-nous dans le monde ? Dans le besoin individualiste d’assurer notre capacité à nous nourrir, à continuer de prendre des vacances, ou à être en relation, dans le partage ?
C’est l’ennui qui nous aide à nous tourner vers notre monde intérieur, à élaborer, à créer notre façon de voir le monde. Quand il n’y a plus de sollicitations extérieures, en portant attention sur la nature même de l’expérience vécue, nous pouvons nous découvrir à nous même en tant « qu’être-là » **.
Il me semble important de ne pas laisser ces sentiments ces émotions, piloter ces moments-là. De prendre la main pour en faire des alliées. Se poser la question : Qu’est ce qui essentiel pour moi, Être Humain, à protéger, à sauvegarder ?
Qu’est ce qui fait sens pour moi qui ai peur, qui suis angoissé, qui suis débordé par toutes les infos en boucle …… , qui m’ennuie ou qui fais face au vide, dans l’expérience que je vis dans l’instant ? Comment suis-je dans mon existence ?
Finalement, dans cette expérience, n’avons-nous pas l’opportunité d’aller profondément à la rencontre de nous-même ? Sophrologiquement, nous sommes dans la dimension existentielle de l’Être !
Prenez soin de vous, totalement.
* Paul Valéry
** Heidegger