« Le petit virus a déclenché sur la planète des chaînes d’interactions et rétroactions de tous ordres innombrables et imprévues. » Edgar Morin

 

 

Nous en vivons une nouvelle étape. Et dans ce mouvement Carl Gustav Jung vient m’éclairer sur l’importance de vivre pleinement ces moments. C’est à dire, en toute conscience.

 

Je suis sophrologue, face à ces nouvelles annonces, à ces nouvelles limitations, je me dois de rester calme. Je mets de côté, ou mieux, j’expulse le négatif parce qu’il y a cette évidence, un sophrologue c’est « zen » (enfin dans la version populaire de ce mot).

Mes sentiments de découragement, d’impuissance, ou d’incompréhension, mes émotions de colère, de peur ou d’accablement sont une vraie contremarque pour une professionnelle prônant le positif !

N’est-ce pas ce que l’on attend de moi, et je que j’attends de moi-même ? L’image de cette sophrologue, détendue, souriante, capable de faire face tranquillement aux difficultés et aux changements (c’est adapté aussi dans la vie privée !). Et selon la formule que nous connaissons « loin dans le temps et dans l’espace » ce qui n’est pas au service de cette image.

 

Or, nos états d’être ne sont pas aussi simples et le contrôle pas toujours aussi efficace. Pour comprendre ce qui est en jeu dans ces situations, C G Jung nous invite à cette vision de notre fonctionnement :

Cette image, que nous avons de nous et qu’il nous plaît que les autres aient, c’est la persona, manifestation volontaire et finalement sophistiquée de la personne, elle est consciente. Ne vous y trompez pas ce n’est pas forcement que du positif « je suis sophrologue », on peut y trouver des éléments tels que « je suis handicapé » ou « je suis une grande émotive » ! Le mot persona vient du masque que portaient les acteurs grecs. Elle est donc un masque qui permet d’entrer en communication sans être « nu ou transparent ». Elle a donc un rôle. La difficulté avec cette instance, est de ne pas s’identifier au rôle, a cette image que nous voulons donner, nous donner.

En contact avec le monde extérieur et visible, la persona est en contact avec notre monde intérieur. Elle fait partie du Moi, centre de notre champ de conscience qui se développe et se transforme tout au long de notre vie. C’est, pour résumer, la conscience que j’ai de moi-même et que je ne communique pas complètement. Par exemple je suis conscient de mes habitudes, de certaines de mes croyances, mais n’en fait pas état.

Plus profondément il y a aussi, abrité dans un espace que nous n’ouvrons que difficilement à la conscience, l’ombre. C’est là que nous déposons nos sentiments et émotions, nos manques et faiblesses, nos tendances non reconnues, tout ce que nous préférons ne pas voir, ni montrer. Ce n’est pas parce que nous ne voulons pas les voir, là aussi, que ces éléments sont négatifs, de « j’ai peur », à « je ne suis pas créatif « en passant par « je suis intéressé par les biens matériels « l’ombre héberge autant des pépites que des cailloux.

Ces éléments, mal aimés, non reconnus ou rejetés de nos vies, restent actifs de façon totalement inconsciente. Ils s’expriment essentiellement dans la projection par laquelle on attribue à l’extérieur, ou l’autre, ce que l’on ne veut pas voir chez soi, telles la violence, la jalousie ou la paresse. La projection positive parera des qualités idéalisées un individu ou une institution.

Quitter les projections c’est regarder l’ombre, devenir plus conscient, mais aussi affaiblir d’une certaine manière la persona.  C’est intégrer toutes les dimensions de l’Être.

 

L’ombre si elle est individuelle, est aussi collective (c’est une idée très importante chez C G Jung). Dans les phénomènes collectifs ou de foule, une part de l’ombre de chacun peut être exacerbée. Les évènements que nous vivons ces derniers mois nous le montrent. Sidération, peurs, réactions primitives ou inadaptées, l’ombre collective se présente de façon radicale, sans nuance, en noir et blanc. Une contamination, qui si elle est agréable dans la liesse collective après un match de foot par exemple, s’avère pour le moins embarrassante, voire rude, quand nous avons l’impression de ne pas nous reconnaître dans nos comportements de rejet, d’agressivité ou autres.

 

Jung dit que « Ce n’est pas en regardant la lumière qu’on devient lumineux, mais en plongeant dans son obscurité. Mais son travail est souvent désagréable, donc impopulaire ». Et « Sans émotions, il est impossible de transformer les ténèbres en lumière et l’apathie en mouvement ».

Invitation à rencontrer notre ombre, pour peu que nous acceptions nos côtés les moins brillants, c’est une relation avec nous-même et une fécondation créatrice de nos existences que nous osons.

 

Alors, chaque fois que, sophrologue, je mets de côté, voire dehors ce qui me gêne, il est important de prendre une attention particulière à ne pas renforcer cette persona, puisque chaque renforcement enrichi de façon mécanique l’ombre. Dans la capacité à reconnaître mon agacement ou mon inquiétude (et d’autres encore), mon écoute de l’inquiétude ou de l’agacement de mon client sera plus juste.

La sophrologie nous invitant à être avec ce qui est, pour peu que l’on quitte l’idée de bien-être, elle nous offre au travers de ses trois premiers degrés tous les « outils » nécessaires. Et dans cette conscience, faire le choix du relâchement, du Bien-Être.

C’est ainsi que pour revenir à Jung, nous pourrons toucher notre Soi, le centre de notre personnalité globale (conscient et inconscient).

 

« La chose la plus terrifiante est de s’accepter soi-même. » C G Jung

 

 

Jacqueline Baudet, novembre 2020